Toi, rien que toi.
Toi qui tiens mon coeur en tes bonnes mains
Et le recouvres de délicatesses.
Toi qui lui insuffles ton instinct d'amour.
Toi qui en es la maîtresse et la reine.
C'est ton royaume ma belle. Faites !
Toi qui le tiens dans ton coeur,
Et l'irrigues de ton élixir
Qui lui donne sa raison d'être.
Toi qui éclaires de ta vue ma vie
Propre seulement à t'admirer.
C'est cette fin unique qui la justifie.
La passion se trompe-t-elle ?
Quel mythe, ma belle, peut égaler le nôtre ?
Quelle intelligence peut le briser ?
Les petits siècles ou les vagues millénaires !
C'est à l'éternité que notre amour est destiné.
Le Bon Vieux Temps
C'était un temps hors du temps,
Et une vie d'avant la vie,
Dans un lieu pas comme tous les lieux.
Nous avions et nous étions.
Nous n'avions pas la dextérité des artisans,
Ni les soucis des grands,
Ni les rides des ans.
Heureux seulement, heureux pourtant.
Ah! Si nous savions !
Nous avions tout et n'avions rien.
Nous allions à tous les vents,
Désinvoltes, insoucieux, insouciants,
Pâmés dans l'éternité de l'instant,
Se riant des honneurs et des ambitions.
Nous étions tout et n'étions rien.
Heureux seulement, heureux pourtant.
Ah! Si nous savions !
Discours de la Mémoire
Je resurgis d'un temps stratifié de souvenirs.
Feuilletez mes pages rupestres !
Comptez les fronces aux coins de mes yeux !
Jusqu'à quel âge s'étirent mes racines,
Et mes regards jusqu'à quel rivage ?
Du néant à l'infini, quelle mystérieuse alchimie,
Quelle force a semé ces lumières,
Dans les champs des cieux ?
Vers quel Nord céleste file, file ma barque en feu,
Et vers quelle destinée ?
Dans ma mémoire, de l'autre côté, aux temps impunis,
Un bras de galaxie orbite ma pensée.
Mimésie ; banlieue fantôme de mes rêves,
Caveau d'eau et de métaux.
Une voix humaine, une voix lointaine renvoie son écho.
Des Photos...
Le Destin
Je suis une ligne, une juxtaposition infinie de points,
Sitôt atterri que déjà je repars
A chaque arrivée un nouveau départ.
Il m'arrive de m'élever et d'éclater en bouquet final
Ou de chuter à percuter le sol de cratères.
Il m'arrive comme une ogive d'aller cogner au hasard des destins
Mais sitôt arrivé me voici reparti
Ce n'est jamais la fin.
Aux moments de répit je trace des courbes pour contourner ma peine
Et me retrouve comme Sisyphe à mon point de départ.
Je n'ai pas posé pied que déjà je repars.
Je m'élève parfois en spirale pour accrocher l'illusion
Je n'ai pas accroché que déjà c'est trop tard.
Je m'élève aussi en parallèles mais ne peux étreindre mon autre
Pourtant à portée de main et que je crois mien
Peut-être plus rose.
Il m'arrive de me briser en morceaux ou d'observer des sauts
Comme pour fermer l'oeil sur les écueils.
Il m'arrive de hachurer hachurer à ne plus distinguer
Le sens.
A mon village Almis de Guigou*
Je suis né dans ton immense cratère basaltique
Jadis en ébullition.
C'est toujours cette lave qui couve en moi.
A tes bords, ces monts hautains :
Tichikt, Admer,Tajda,*
Sentinelles Atlassiques veillant sur ta paix.
C'est leur orgueil qui se lit à mon front.
Voilà tes gens aussi pures que ton air,
Aussi généreuses et fertiles que tes champs de pommes de terre.
C'est leur vertu qui m'éclaire.
Que deviennent tes peupliers que nous longions
Jusqu'à Tit-Izile*, tes truites, tes chênes aux glands sauvages,
Tes champs de blé, tes étés parfumés et tes belles étoiles.
C'est ce goût qui m'est resté,
Comme la madeleine de Proust Marcel.
Où êtes-vous chère famille d'amis;
Toi Amy, toi Abel, toi Faty et toi Adèle.
Vous qu'aucune force ne peut me faire oublier.
C'est pour votre amour seul que je peux écrire.
Oh mon village ! Tous les chemins mènent jusqu'à toi,
J'ai beau errer, je reviens,
Comme un refrain.
Quel amour peut remplacer le tien ?
*Village au nord du Moyen Atlas, à 40 kms d'Ifrane, 20 kms de Boulemane et 90 kms de Fès.
*Noms de montagnes (en berbère).
*Littéralement, La Belle source (en berbère).
L'image: paysage d'Almis de Guigou.
Discours des lions de l'Atlas*
Tes Yeux
Miroirs magiques, tes yeux ! Ce doit être le charme de leur puissance, ce doit être leur foudroyant jet de lumière qui ont chaviré ma sonde aspirée dans leur mystère galactique.
J'y vois se dérouler des vies, se conter des récits fabuleux de vies. J'arpente des monts, des temps, des ciels changeants, résigné à mon drame, ma voile de fortune déjà brisée à la première rafale a depuis changé de destin.
Tout le système décrit le tour autour d'eux. Tout le système. J'y vois grouiller des étoiles, mes juchoirs illusoires aux mille planètes, avec des temps autres, des contrées autres et des lois d'amour divin.
Déferlent des vagues des pleines lunes, des trombes me soulèvent, je compulse des avenirs et des passés déposés dans leurs pages marines.
Braises ardentes, comètes flamboyantes, traînées solaires, tes Yeux de feu où je péris comme Empédocle.
Photo:bout de paysage d'Almis de Guigou (mon village natal) pris à l'aube.
La Beauté
Je suis né du vertige de t'avoir croisée.
Je devrais ne pas être si tu n'étais,
Ne pas naître si tu n'étais.
Je t'ai qualifiée de noms de fleurs, d'astres
Et de personnages de légendes.
Alors que ce sont eux qui portaient ton nom.
Je t'ai qualifiée de rubis et d'ocelles, de paillettes,
De prunelles, de rêves bleus sur des oasis de mers,
De poésie, d'odeur de terre et d'amour parfait.
Alors que ce sont eux qui portaient ton nom.
Les fleurs se sont épanouies à copier sur toi,
Et les fées remodelées, pardon créées, à te regarder.
Ni le temps ni l'espace ne seraient, si tu n'étais.
Je recherche des coeurs où t'abriter.
Beauté aux lèvres de miel où la brise vient butiner
Pour répandre la vie.
Tu es l'essence, les autres des simulations.
Tout échoit à ton culte.
Illustré par Chantell.
Discours des lions de l'Atlas*
Belle Nature
Le printemps a posé sur toi son luxe de lumière,
Pas un frisson d'onde,
Pas un frémissement d'aile,
Pas un glouglou,
Pas une libellule ne frôle l'eau.
Seuls des filets d'or suspendus à tes flancs,
Belle nature !
Près de toi prennent fin les affres de nos errances,
Et se ressourcent nos amours contrariées de nouvelles essences.
L'aube effleure de sourires tes cimes toujours hautes,
Et le crépuscule dore tes autels
Où se déploient tes rêves aériens.
Les aèdes quémandent ta sagesse.
Génitrice de la vie, asile de nos espérances.
A te méditer je crois déceler des versets.
Recueille-nous dans ton giron filial.
* Le soleil n'éclaire qu'une partie de mon coeur, toi tu le recouvres entièrement.
Le Mot
Je me souviens de l'heure et du lieu de notre première rencontre. Pour tout avouer, j'avais peine à retenir ton nom étrange. Je te balbutiais. Je m'en étais allé charmé et confus ne sachant dans quels termes te murmurer. Je me plaisais à te palper, à te tourner et retourner. Epris de toi, je me suis mis à lorgner ton corps superbement graphique et à t'observer comme ça dans ta curieuse nudité : un ensemble de cris perçus dans leurs modes et points articulés, orale, nasale, aigüe, grave, dentale, labiale, vibrante, sifflante...Jamais un être n'a été aussi bien disséqué. C'est alors que j'ai appris à te prononcer, nos liens se sont renforcés. J'ai connu tes jumeaux, tes voisins, tes cousins, tes rivaux et appris à discerner les nuances de leurs saveurs. Je t'ai lemmatisé en champs et familles et balisé les galeries qui ouvraient sur tes ailleurs. Je n'en soupçonnais pas les innombrables quartiers*.
C'est devenu une mosaïque avec des avenues étendues en lignes et interlignes, croisées, étagées ou dressées en cathédrales scripturales. J'appréciais ta fidélité et fus surpris de ta docilité, disposé à t'approprier à mes fantaisies, à me crier mes quatres vérités et à orner ma page de superbes tropes.
Je t'ai alors rangé dans le rayon des genres recherchés et inventé des sols où je peux t'admirer dans tes plus belles corolles.
J'ai cru à ton immortalité, à ton pouvoir de nommer l'absence, de bruiter le silence et de reproduire l'être le plus mal connu.
*Degré d'ascendance noble.